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lundi 3 octobre 2011

Namur et ses héros

Notre amie Germaine a cité l'Abbé Joseph André dont une place évoque la mémoire, juste en face de la prison de Namur où il a été aumonier pendant plusieurs années.

Mais ce n'était pas son seul travail. Son action fut bien plus héroïque pendant la guerre. Voyez plutôt ce qui en est dit dans les annales de Namur et qui est resté dans la mémoire de ses habitants les plus anciens.


L’Abbé Joseph André, notre timide et modeste héros local, naît à Jambes le 14 mars 1908, cadet d’une famille de 8 enfants. Mais, très vite, il perd sa mère et doit être élevé par ses tantes. Sa santé est très fragile, dès l’enfance.
Malgré cela, c’est un jeune homme appliqué, essayant de bien faire, mais ses résultats scolaires ne sont pas au-dessus de la moyenne.
Animé d’une foi profonde, il souhaite entrer dans l’ordre des Jésuites. Après deux années très dures, il tombe gravement malade et les Jésuites le rejettent, le considérant trop faible pour faire partie de leur congrégation. C’eut été, pourtant, une de leurs pierres les plus précieuses.
Pour qu’il se refasse une santé, son père, fonctionnaire au Gouvernement Provincial de Namur, l’envoie faire un séjour prolongé dans une ferme de la région, familiarisant ce jeune citadin avec la vie des fermiers, leurs habitudes qui lui permettront, plus tard, d’y trouver des refuges pour ses protégés.
En 1930, il entre en première année de philosophie au Séminaire de Floreffe et, deux ans plus tard, au grand Séminaire de Namur.
Ordonné prêtre, il est nommé, en 1941, vicaire de la paroisse Saint-Jean Baptiste de Namur, implantée dans un  quartier populaire de la ville,  où se révéla son ardeur à soulager la misère des autres.

Mais c’est en 1942 que l’Abbé André rencontre un avocat Juif Allemand et son épouse, qui lui exposent leurs craintes face à la traque des nazis occupant la Belgique. Il va leur trouver un refuge dans un établissement religieux et un autre pour les enfants du couple, de façon à leur assurer une possibilité de survie.
Huit jours plus tard, ce sont des cousins de cette famille qui viennent frapper à sa porte et vont, à leur tour, grâce à lui, entrer dans la clandestinité.
C’est le début d’une idylle entre l’Abbé André et le peuple Juif, pour le meilleur et pour le pire.
Il va s’appliquer à trouver des caches dans les fermes de la région, dans les châteaux, dans les homes et  hôpitaux où il était relativement facile de passer inaperçu et Namur devint ainsi une zone refuge pour les Juifs clandestins.
Il faut noter, comble d’audace, que le home d’accueil de l’Abbé André se trouvait sur la Place de l’Ange, quasiment mitoyen de la Kommandantur allemande, logée sur cette même place à l’hôtel d’Harscamp. C’était pour eux un danger, mais aussi une sécurité car quel Allemand aurait imaginé qu’un grand nombre d’enfants juifs vivait en permanence à côté d’eux.
Ce home d’accueil comportait une immense salle des fêtes où  30 à 35 jeunes protégés  attendaient un abri plus sûr.
L’Abbé avait prudemment prévu dans cette salle une armoire avec une porte  dérobée, permettant de s’échapper, si nécessaire. La plupart des maisons de la rue de l’Ange possédait un jardin communiquant avec celui des commerces de la rue Emile Cuvelier.
Les enfants avaient un code : en cas de fuite, ils devaient frapper cinq fois aux  portes de ces jardins pour se faire ouvrir et y trouver un refuge provisoire. L’un des enfants devait, si on sonnait à la porte d’entrée du home, y fixer une barre métallique et puis fuir avec les autres sans ouvrir.

Une des caractéristiques qui sera bien utile à l’Abbé André, c’est une audace inouïe et une ténacité cachées sous sa timidité. Un pouvoir de persuasion qui obtint à plusieurs reprises de ses sympathisants un voyage de nuit pour venir en aide à des personnes en détresse. Il savait s’entourer de personnes efficaces et dévouées.
Ténacité encore pour convaincre  les autorités communales de procurer à ses protégés des faux papiers, des abris ou des emplois, comme par exemple à l’hôpital St Camille où environ 20 Juifs étaient camouflés, aussi bien parmi les malades que parmi le personnel.
A l’asile d’aliénés de Dave, beaucoup furent recueillis par le Docteur Arnould et son épouse, qui figurent parmi les Justes de Belgique.
En juin 1944, à l’époque du débarquement, la Gestapo découvre le pot aux roses et procède à une perquisition dans la salle de l’Ange.  Mais, dans l’ombre,  un réseau de résistance agissait à la Poste, ouvrait délicatement le courrier suspect avant de le transmettre à l’occupant et avait prévenu l’Abbé d’une dénonciation anonyme.
Il dût, à son tour, entrer dans la clandestinité. Il y aura l’immense joie d’apprendre que tous ses enfants avaient échappé à la rafle, en suivant point par point le plan d’évasion qu’il avait mis au point pour eux.
Prévenu par lui, un chef scout appela en urgence sa troupe pour un grand jeu dans les locaux car la présence de 35 enfants laisse de nombreuses traces. Quand la Gestapo arriva, il y avait dans l’immeuble une telle ambiance et un si grand désordre qu’ils n’y virent que du feu et arrêtèrent la perquisition, pensant avoir été trompés.
Légende ou vérité ?  C’est ce que j’avais appris à l’époque, mais la plupart des témoins m’ont précédée dans l’Au-delà. Sauf une de mes amies qui, comme moi, connaît cet épisode car ses parents servaient aussi de relais et ont accueilli quelques-uns de ces petits fuyards.
La gestion de l’état civil  des enfants se faisait de façon très secrète et très précise au moyen de cinq carnets codés, permettant à tout moment  de tout savoir sur eux et leurs parents. Il fallait rassembler les 5 carnets, et surtout le dernier, pour pouvoir faire la liaison entre les informations. Seul, un nombre très limité de personnes avait accès aux carnets.
L’Abbé André revint chez lui après la Libération.
 Mais son travail n’était pas terminé : il organisa d’abord une synagogue dans  son home pour permettre à chacun de prier selon ses convictions, puis il entreprit de s’occuper des nombreux enfants dont les parents n’avaient pas pu échapper aux nazis. Il leur trouva des familles d’adoption, ou une nouvelle patrie, comme ceux qui partirent aux Etats-Unis. Mais à partir du moment de la création de l’Etat d’Israël, il les envoya dans cette direction.
Le 30 septembre 1945, il donna une grande fête à l’occasion du départ d’une dizaine de ses garçons vers Israël. Nous en étions car l’un d’eux, Walter, avait fait discrètement chez nous un apprentissage d’horlogerie.
Il était donc entêté, notre vicaire, et il fallut user de ruse pour l’amener à Jérusalem  et à Yad Yashem  où il reçut un diplôme de Juste des Nations, des mains du Président Shazar en 1968
Après la guerre, il vint aussi en aide à son peuple, les Belges, dont une grande partie vivait dans les ruines et la misère, notamment à Namur, dévastée par le terrible bombardement du 18 août 1944 qui avait fait plus de 300 victimes  et quantité de ruines en quelques minutes.
En 1956, il accueillit à nouveau des étrangers, les réfugiés de l’insurrection de Hongrie. Il les logeait dans le château de l’Horloge à Bomel , leur procurait du travail et les aidait dans les formalités administratives. Et puis d’autres encore, d’Afrique du Nord ou du Congo.
En 1957, il fut nommé aumônier de la prison de Namur.
C’est en 1973 qu’il fit une mauvaise chute sur un trottoir ce qui l’affaiblit plus encore et il avait 65 ans quand, le 1er juin 1973, il s’éteignit, miné par la maladie et aussi par les privations.
                                                                                                                  
                                                                                                             Monique     

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